Depuis que j'étais interne, chambre 100, je n'avais pas croisé ma camarade de chambre, une dénommé Rubis Arria. Je voyais ses affaires, son lit, et parfois elle dormait, mais je me levais tôt et me couchais tôt, ce qui faisait que nous ne vivions pas aux mêmes heures. Je voulais voler un peu le matin, et donc pour rattraper ça, je me couchais dès que la fatigue venait.
Ce soir-ci, je m'étais mise à lire, et je comptais bien veiller un peu pour finir mon roman. J'esperais aussi croiser la fameuse Rubis, et discuter avec elle. Une potentielle amie, la possibilité de discuter avec quelqu'un... Ca valait le coup de rester éveillée !
Je me mis en pyjama, rangeais mes vêtements dans mon placard, partit me laver les dents. Je m'étouffai à moitié, surprise (comme d'habitude), par l'acidité de mon dentifrice, et les larmes me montèrent aux yeux. Quand je retournais lire, sous un simple dras car il faisait chaud, on aurait dit que je pleurai...
Pourvu que ma camarade ne rentre pas maintenant...



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Très court, je ne savais pas quoi dire. ^^''

Rubis s'arrêta devant la porte de sa chambre. Lorsqu'elle était arrivée à l'internat, elle avait été obligée de partager sa chambre avec quelques personnes, ce qui ne lui plaisait pas du tout, mais comme ces personnes ne venaient presque jamais (la plupart de ses colocataires étaient des vampires), elle n'avait pas à se plaindre. Finalement, au bout de quelques temps elle s'était retrouvée seule dans sa chambre, et c'était très agréable. Malheureusement, ça ne pouvait pas durer éternellement et quelques jours plus tôt, le nom "Ambre D.Flowright" avait été rajouté à côté du sien, sur le petit panneau accroché à la porte. La première fois, Rubis avait eu peur de la croiser dans la chambre et d'être obligée de lui parler. Ce n'était pas qu'elle n'en avait pas envie, mais elle avait toujours été très timide... Mais finalement, lorsqu'elle était entrée dans la chambre, le fille dormait déjà. C'était comme ça tous les soirs, et tous les matins, lorsque Rubis se réveillait, Ambre était déjà partie. Rubis avait donc pris l'habitude de faire le moins de bruit possible pour rentrer dans sa chambre et aller se coucher.
Ce soir-là, elle ouvrit doucement la porte et entra dans la chambre. Elle s'arrêta en voyant que, pour la première fois, Ambre n'étais pas en train dormir. Elle lisait, les larmes aux yeux. Rubis ne savait pas de quel livre il s'agissait, mais il devait être vraiment triste... Ou alors elle repensait à quelque chose qui lui avait donné envie de pleurer. Dans les deux cas, Rubis ne savait pas comment réagir, elle détestait voir des gens pleurer parce qu'elle ne savait jamais quoi faire. Elle détourna les yeux et fixa une armoire, le temps de trouver quelque chose à dire.

- Euh... Désolée. Je vais... aller me laver les dents.

Ridicule... Ses joues s'enflammèrent et, sans attendre de réponse, elle attrapa sa brosse à dent et son pyjama (pour qu'elle n'ait pas à faire deux aller-retours) à la vitesse de l'éclair et sortit de la chambre pour aller dans la salle de bain.

J'étais littéralement mortifiée. Ca aurait difficilement pu être pire.
Elle était rentrée dans la chambre, et je l'avais vu du coin de l'oeil. C'était visiblement elle, Rubis Arria. Une jolie fille, mince, que je n'avait pas vraiment eu le temps de détailler. En la voyant, je m'étais rappelé mes yeux humides, et j'avais détourné le visage vers le mur. Elle du croire que je pleurais vraiment, car elle s'empara de ses affaires (de toilettes, et un pyjama), et se rua dans la salle de bain en marmonnant un vague :

- Heu... Désolée. Je vais... aller me laver les dents.

J'en ai déduis notre premier point commun : un mal être en voyant quelqu'un pleurer. Je suis toujours incapable, sans savoir quoi faire ni quoi dire, un vrai boulet. Et elle aussi, vu sa réaction, n'avait pas su comment réagir. Mais je n'allais pas me laisser abattre par sa fuite : je voulais engager la conversation. Je me ressaisi, m'essuyai les yeux, et lançai d'une voix forte (quoique tremblante de gêne : et si je me trompais, et qu'en fait elle me detestait déjà ?) :

- Désolée pour ma tête bizarre, j'ai eu un problème avec mon dentifrice, et je ris, comme pour atténuer le ridicule de ma remarque.

Je m'enfonçai. Je sortit de mon dras, rangeais mon livre. Je fis un peu de bruit, pour donner l'impression que j'étais une fille normale, qui n'étais pas prête à dormir à 9h30. J'esperai en même temps détendre un peu l'atmosphère, et l'intimider moins en semblant occupée. Finalement, je ne réussis qu'à retourner sans but quelques objets, et c'est en désespoir de cause que je mis mon portable à charger. Comme si j'avais des gens qui pouvaient m'écrire ! D., mon premier contact, était... mort..., et le deuxième, Zack, répondait à mes messages mais ne m'en écrivait jamais le premier. Après tout, nous n'étions même pas "amis" !
Finalement, je retournais sous mon dras, mais sans mon livre (que j'avais rangé), et j'avais vraiment l'air d'attendre. Je m'exasperais moi-même : j'étais donc incapable d'engager la conversation ?! La porte fit du bruit, et (ne voulant pas sembler désoeuvrée, ni avoir l'air d'attendre d'elle quelque chose), je m'emparai de mon portable.

- Désolée pour ma tête bizarre, j'ai eu un problème avec mon dentifrice.

Rubis supposa que cette voix appartenait à Ambre, mais encore une fois elle ne savait pas quoi faire. Alors elle rejoignit, comme prévu, la salle de bain et déciderais ensuite de comment réagir face à Ambre. Elle n'avait pas trop eu le temps de voir à quoi ressemblait sa camarade, mais elle avait l'air d'avoir à peu près le même âge qu'elle, tant mieux ! Ses anciennes colocataires étaient plus âgés, en plus d'être des vampires, alors ça lui faisait plaisir qu'Ambre, au moins, ait son âge et semble être humaine (enfin ça, on ne pouvait pas vraiment le savoir, mais au moins, elle n'avait ni la peau blanche ni les yeux rouges). Rubis se lava les dents et se mit en pyjama, plus lentement que d'habitude, et quitta la salle de bain après avoir pris une longue inspiration. La chambre n'était qu'à quelque pas, et les battements de son cœur s’accélérèrent. Pourquoi stresser juste pour entrer dans sa chambre et parler avec une fille ? Rubis avait toujours été comme ça, à stresser pour vraiment n'importe quoi, et ça, elle ne le supportait plus, alors elle prit son courage à deux mains et ouvrit la porte, plus violemment qu'elle ne l’aurait voulu.
Ambre écrivait un message, jouait, ou, en tout cas, faisait quelque chose avec son portable puisqu'elle l'avait dans les mains. Rubis fut un peu jalouse de la voir comme ça. Elle avait un portable elle aussi, bien sûr, mais elle ne pouvait plus s'en servir vu qu'elle n'avait pas assez d'argent pour payer son crédit. C’était dur de ne pas avoir d’argent… La jalousie passée, Rubis pris le temps d'observer Ambre. Elle fut satisfaite de voir qu'elle avait raison, elles devaient avoir à peu près le même âge. Sinon, Ambre était une jolie fille aux cheveux auburn et aux yeux marrons. La phase d’observation terminée, Rubis se décida à ouvrir la bouche, et, à son grand étonnement, elle réussit à dire quelque chose, et sans bégayer en plus !

- Désolée pour tout à l'heure. Tu es Ambre non ? Je suis Rubis. Ça me fait plaisir de ne plus être seule dans la chambre, mais c'est dommage qu'on ne se soit pas rencontrée avant...

Bon, ce n'était peut être pas tout à fait faux, mais en tout cas, ce n'était pas vrai non plus. Elle aurait bien voulu la rencontrer avant, mais dans d'autres circonstances. Par contre, elle n'était pas du tout heureuse de partager sa chambre... Mais bon, Ambre n'avait pas l'air méchante et il n'y avait aucune raison qu'elles ne s'entendent pas toutes les deux. Avec un peu de chance, elles pourraient même devenir amies. Mais ça, c'était peut-être trop demander...

Elle ouvrit la porte plutôt violement, d'une manière peu naturelle, et je me sentis comme prise en faute, avec mon portable à la main. Et si ça lui donnait l'impression que je me fichais royalement de pouvoir enfin lui parler ? C'était, bien sûr, loin d'être le cas. Elle me dit alors d'un trait (elle me donna l'impression de vouloir tout dire d'un coup, pour en être débarrassée) :

- Désolée pour tout à l'heure. Tu es Ambre, non ? Je suis Rubis. Ca me fait plaisir de ne plus être seule dans la chambre, mais c'est dommage qu'on ne se soit pas rencontrées avant...

Que voulait-elle dire ? Que maintenant, c'était trop tard ? Qu'avant, elle aurait eu besoin de me parler ? Ou, simplement, que passer quelques semaines en cohabitation avec une une fille qu'on ne voit jamais et qu'on ne connait pas est "dommage"... Je penchai pour cette solution, et ne relevai pas sa phrase ambigü. En revanche, je fut heureuse d'apprendre qu'elle ne regrettait pas sa solitude. Quoique, elle pouvait très bien me dire ça par politessse. Après tout, elle n'avait jamais montré de l'interêt pour moi, jusqu'à ce soir... Il faut dire que je l'évitai, avec mon rythme de vie décalé (mais qui me satisfaisait, j'y tenais particulièrement). Bah, passons. Nous avions toutes les deux vécus sans se croiser, et nulle n'en était totalement responçable.

- Ca me rassure, j'avais peur de déranger, avouais-je. Ca fait longtemps que tu es là ? Je veux dire... A l'Internat Tsukiyo.

Si ma première question avait pour but de deviner, en regardant son visage, ce qu'elle pensait vraiment de ma présence chambre 100, ma deuxième était due à ma curiosité. J'aurai voulu demander à tous les gens de l'île : qui êtes-vous ? De quelle race êtes-vous ? Depuis quand êtes-vous la ? Comment en êtes-vous venu à vivre sur l'île ?
Et là, sous le pretexte facile qu'elle était une camarade de chambre, qu'on allait devoir cohabiter ensemble, les questions étaient normales. Avec un peu de tact et de délicatesse, je pourrais sans doute assouvir quelque peu ma dévorante curiosité. Je pourrais au moins savoir sa race, car c'était une question apparement normale entre internes (si elle n'étais pas juste une humaine, car elle avait l'air plutôt banal, comparée à tous ces gens qui n'était pas, visuelement, normaux. Je pensais notament aux vampires, ou bien aux nekos;...). Elle allait aussi m'apprendre depuis quand elle était là. Je m'interressais beaucoup, depuis mon échange de textos avec Zack, à ce qu'on pouvait faire après l'Internat. Quelqu'un qui y était depuis longtemps pourrait peut-être m'éclairer...
En tout cas, Rubis eut l'air surprise par ma question.

- Ça me rassure, j'avais peur de déranger, avouais-je. Ça fait longtemps que tu es là ? Je veux dire... A l'Internat Tsukiyo.

Ça la rassurait ? Mais elle était bête ou quoi Elle ne se rendait donc pas compte que Rubis mentait ? D'ailleurs, cette dernière commençait à s'en vouloir de lui mentir comme ça. Mais elle ne pouvait plus faire marche arrière maintenant, alors elle adressa un petit sourire à Ambre et s'avança vers son lit. Après la longue journée qu'elle venait de passer, elle commençait à être vraiment fatiguée, alors elle se jeta sur son lit comme une gamine. Elle se rassit, les joues roses et réfléchit à toute vitesse à la question qu'Ambre lui avait posée. Depuis combien de temps elle était à l'internat ? Bonne question, Rubis elle-même l'ignorait. Elle se souvenait très bien de son arrivée, mais la date... ça faisait trop longtemps pour qu'elle s'en souvienne. Mais même si elle ne se souvenait pas exactement du jour de son arrivée, et pouvait au moins donner un chiffre approximatif :

- Je crois que ça fait à peu près... deux ans.

Deux ans... C'était long deux ans, mais ça avait été les deux années les plus belles de sa vie. Elle se sentait comme chez elle ici, où elle était une des personnes les plus normales de l'internat. Même si la question du sang de neko n'avait pas été résolue, ça ne la préoccupait pas. Malheureusement, lorsqu'elle arriverait au terme de sa troisième année, qu'est-ce qu'elle ferait ? Et si elle était obligée de quitter l'internat ? Non, ça ne devait pas arriver !
Se souvenant d'Ambre, elle se demanda pourquoi et comment elle était arrivée à l'internat. Elle posait souvent la question aux personnes qu'elle rencontrait, mais à chaque fois, elle avait peur de leur réaction. Et avec Ambre, c'était encore pire. Elle pouvait très bien ne pas lui répondre, c'était son choix, et Rubis ne la forcerait pas à parler, mais elle ne voulait pas non plus qu'à cause de ça, la situation devienne tendue. Comment faire ? Et si Rubis lui racontait sa propre arrivée ? Non... Trop tard, les mots sortirent de sa bouche sans que Rubis puisse les contrôler.

- C'était il y a longtemps, je trouve... En fait, je ne sais même pas comment je suis arrivée ici, je promenais mon chien quand... quand... je me suis faite agressée et j'ai disparu ! D'un coup, je me suis retrouvée devant l'internat. Bizarre hein ?

Lui raconter tout ça avait été plus facile qu'elle imaginé, mais elle ne comprenais toujours pas pourquoi elle l'avait fait. Peut-être qu'elle se sentait en confiance avec Ambre ? Maintenant, il ne tenait plus qu'à cette dernière de lui révéler la raison de sa présence sur l'île...

Sa réaction fut claire et nette : elle n'était absolument pas contente que je sois dans sa chambre. Vraiment pas, et elle parut même surprise que je n'ai pas compris avant son mensonge. J'en fut atrocement vexée, et elle baissa dans mon estime.
Elle se jeta à plat ventre sur son lit, pour se rappela que j'étais là, et s'assit, gênée. J'eu un sourire : au moins, je n'étais pas la seule à être gênée. Malgré sa deception de ne plus être seule, je la mettais quand même mal à l'aise, ce qui voulait dire qu'elle se préoccupait de mon opinion.
Je voulut absolument lui faire changer d'avis sur mon compte.

- Je crois que ça fait à peu près... deux ans, dit-elle tout à trac.

Elle venait visiblement de se rappeler de ma question. Deux ans ? Pas mal... Elle devait considerer l'île comme chez elle, alors. C'était agréable de connaître quelqu'un qui connaissait l'île, dommage qu'elle ne trouve pas "agréable" de me connaître. Elle avait d'ailleurs l'air de reflechir, comme si ma question l'avait plongé dans ses souvenirs... Elle m'en fit part :

- C'était il y a longtemps, je trouve... En fait, je ne sais même pas comment je suis arrivée ici, je promenais mon chien quand... quand... je me suis faite agressée et j'ai disparu ! D'un coup, je me suis retrouvée devant l'internat. Bizarre hein ?

Ah. J'avais pleins de questions à poser... Un chien ? Tu es bien quelqu'un de "pas normal", pas vrai ? Est-ce que tu cherche à savoir comment tu es arrive là ? Agressée ?!

- Oui, c'est plutôt bizarre, fis-je, comme pour en savoir plus. Moi, je suis venue ici de mon plein gré... Je pense que, quand on est pas vraiment normal, on est tôt ou tard amené à rejoindre l'île. Je suis métamorphe oiseau, précisais-je.

Je ne voulais pas vraiment détailler mon départ, et rester dans une humeur plutôt cordiale, de coup je ne m'attardais pas sur ma venue. Mais je lui apprit quand même qui j'étais, et je lui donnai mon avis sur la question. Ca compensait, pensais-je, le fait que je ne lui en dise pas plus. Elle acquiesca, et eut l'air de réfléchir un peu. Elle allait peut-être ignorer ma reflexion visant à en savoir plus, et répondre uniquement à la deuxième partie. En tout cas, ça devenait une conversation, et j'éteignis mon portable, puis le posais par terre, pour lui prouver que j'étais vraiment interessée par ce qu'on disait.

- Oui, c'est plutôt bizarre. Moi, je suis venue ici de mon plein gré... Je pense que, quand on est pas vraiment normal, on est tôt ou tard amené à rejoindre l'île. Je suis métamorphe oiseau.

Métamorphe oiseau, ça devait être génial ! Elle pouvait voler ? C'était vraiment un rêve pour Rubis, elle aurait n'importe quoi pour pouvoir voler, malheureusement, elle n'en avait pas la capacité. Elle, qu'est-ce qu'elle avait ? Du sang de chat et un collier ! Bon, son collier était très pratique, mais personne ne cherchait à l'assassiner, et elle ne se blessait pas accidentellement tous les jours, encore heureux ! Pouvoir voler était autre chose, et avait l'air bien mieux qu'une protection permanente. Rubis l'enviait énormément et une pointe de jalousie réapparut. D'abord le portable, ensuite ça... Comme si elle l'avait entendue, Ambre posa son portable par terre et regarda Rubis, surement dans l'attente d'une réponse. Cette dernière se demanda si elle devait développer son arrivée, mais Ambre, elle, ne lui avait pas donné beaucoup de détails sur la sienne, à part qu'elle était venue de son plein gré, alors elle n'avait qu'à en faire autant... Mais pourquoi réagissait-elle ainsi ? Ambre n'était pas une ennemie, au contraire ! Rubis décida de changer de comportement envers sa camarade, après tout, elles allaient devoir vivre dans la même chambre et Ambre avait l'air très gentille.

- Je pense que tu as raison, je ne suis pas normale moi non plus, avoua-t-elle, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai du sang de neko et... mon collier n'est pas normal non plus. Je crois que c'est lui qui m'a téléporté...

Voilà, la révélation était faite. Rubis attrapa son collier et le serra comme si elle avait peur qu'on lui arrache, et si Ambre essayait de lui voler pendant son sommeil, maintenant qu'elle savait qu'il avait des pouvoirs ? Enfin, elle ne savait pas encore lesquels... Finalement, elle l'aimait beaucoup son rubis, même si il ne lui donnait pas la capacité de voler. D'ailleurs, repenser à ça lui donnait envie de savoir ce qu'on ressentait en plein vol, mais elle avait peur de laisser paraître sa jalousie, si elle lui posait la question. Finalement, après quelques secondes, elle n'arriva plus à se retenir :

- Dis, tu peux voler ? C'est comment ?

Finalement, elle eut tout à coup l'air d'avoir changé d'avis, d'être interressée par notre dialogue, comme si je ne lui apparaissait plus comme un parasite minable. Ce changement dans son attitude ne m'echappa pas, et mieux, me ravit. Elle m'apparaissait vraiment comme une fille agréable, et je voulais aussi lui semblait ne serait-ce que digne d'interêt. Elle me répondit :

- Je pense que tu as raison, je ne suis pas normale moi non plus. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai du sang de neko et... mon collier n'est pas normal non plus. Je crois que c'est lui qui m'a téléportée...

J'étais ravie, et siderée. Du sang de neko, sans raison ? Son collier... Parlait-elle du rubis, son pendentif ? Elle avait donc reflechit à la question... Je me tus, plongée dans une reflexion.
Qu'elle ait du sang de neko sans savoir d'où, ça ne me choquait pas : elle aurait pu être, comme moi, adoptée, et ne rien savoir de ses origines. Mais la façon qu'elle avait eu de le dire laissait clairement entendre que l'explication n'était pas si simple... Et probablement privée. Son collier n'était pas normal ? Là, cela titillait trop ma curiosité, et je brulait d'envie de lui demander plus de détails à ce sujet ! Elle me paraissait vraiment captivante, et ce qu'elle disait me donnait envie d'en savoir plus sur elle, d'être son amie. Enfin, je me demandai si sa téléportation... Enfin, comment dire... Elle n'avait pas des proches ? Personne ne s'était inquiété en ne la voyant plus ?
Elle me coupa dans ma songerie en me demandant, comme si elle n'y tenait plus :

- Dis, tu peux voler ? C'est comment ?
- Oui, je peux. C'est génial, vraiment ! C'est... C'est... (je ne trouvais pas les mots, lorsqu'une idée me traversa l'esprit Je devrais pouvoir porter quelqu'un en volant. Si... Si tu veux... Enfin je pourrais... Non, laisse tomber.

C'était tellement dur de décrire le bonheur qu'on éprouvait en volant, la sensation de liberté, de legereté... Tout le reste m'indifférait, je me sentais sans attaches, sans problèmes... C'était grisant, merveilleux. Mais... Mais je m'en voulais déjà d'avoir faillit lui proposer ça. Comme si elle avait envie de voler avec la nouille qui partageait sa chambre ! Mais, mine de rien, je guettais sa réaction : et si... ?

Un instant, Rubis redouta la réponse. Et si elle lui racontait à quel point voler était une chose merveilleuse, extraordinaire ? Elle serait encore rongée par la jalousie et, en plus, par la culpabilité pour lui avoir posé une telle question.
Finalement, elle n'avait aucune raison de s'inquiéter, puisque Ambre, même si elle le pensait, se contenta de dire que c'était "génial", puis elle ne trouva plus les mots pour décrire cette sensation. Ça voulait sûrement dire que c'était encore mieux que "merveilleux" et "extraordinaire", mais Rubis préférait encore ça que de l'entendre. Ensuite, Ambre lui proposa de la porter pendant qu'elle volerait. Sous le choc, Rubis ne fit pas du tout attention à la fin de sa phrase, le "rien, laisse tomber". Elle n'en croyait pas ses oreilles, c'était vraiment possible ? Mais c'était... merveilleux ! Elle s'imaginait déjà, haut dans le ciel (elle n'avait pas le vertige, heureusement !), en train d’observer le paysage, de... de voler, tout simplement. Magnifique ! Qui n'avait jamais rêve, au moins une fois dans sa vie, de pouvoir voler ? Et bien grâce à Ambre, ce rêve allait enfin devenir réalité. A moins que... Ambre se moque complètement d'elle et lui ait fait cette proposition dans le seul but de pouvoir rire de sa réaction. Rubis lui jeta un regard méfiant. Non, décidément, Ambre avait l'air bien trop gentille pour faire quelque chose comme ça, et puis elle était surement dans le même cas que Rubis, c'est à dire qu'elle ne pouvait pas se permettre de lui faire une mauvaise blague ou de dire quelque chose vexant, par exemple, pour ne pas dégrader leur relation.
Rubis prit sa décision et se lança, avec, tout de même, une pointe d'appréhension :

- Vraiment ? Ce serait génial !

Elle me répondit sans tarder, après toutefois un petit coup d'oeil pour me jauger, pour s'assurer de la sincérité de ma proposition (je m'étais reprise, certes, mais ça restait très clair).

- Vraiment ? Ce serait génial !

J'étais folle de joie en entendant sa réaction. Elle était heureuse ! Grâce à ma proposition ! On allait créer des liens ! J'allais partager le plaisir du vol avec quelqu'un ! Wouha !!!

- C'est vrai, ca te ferait plaisir ? Alors, c'est super ! Dès qu'il fait suffisement beau, je... Ah m'arrêtais-je alors. En fait, je vole tôt le matin car c'est plus agréable... Ca ne te dérangera pas de te lever tôt ? Je pourrais te réveiller, si tu veux...

Je ne savais pas trop comment lui expliquer ça, mais pour profiter d'un vol, le matin était super... Il n'y avait personne, la nature s'éveillait, on croisait parfois des migrations d'oiseaux... Si elle voulait voler, le matin me sembler tout indiqué ! Mais elle ne se levait pas aussi tôt que moi...
Peut-être qu'elle allait mal le prendre, ou mal interpreter ma proposition (elle ne voulait peut-être pas s'adapter à mes horaires ! Et si elle me trouvait gonflée de lui imposer ça ?), mais j'étais quasiment certaine qu'elle était ravie, et qu'elle voulait vraiment voler. Du coup, j'avais perdu toute ma réserve et mon stress, car quelqu'un qui veut voler est forcement quelqu'un de bien ! *rire* Non, ce qui me rendait à l'aise ce n'était pas ça, mais elle ne me paraissait plus "intouchable", qu'elle était désormais quelqu'un d'accessible et capable des mêmes sentiments que moi, et je me sentais plus à l'aise vis-à-vis d'elle. Bien sûr, j'attendais sa réaction, et j'espèrai qu'elle ne quitterai pas sa bonne humour et son enthousiasme, mais j'avais relativement confiance. Je souriais carrement, d'excellente humeur à présent.

- C'est vrai, ça te ferait plaisir ? Alors, c'est super ! Dès qu'il fait suffisamment beau, je... Ah m'arrêtais-je alors. En fait, je vole tôt le matin car c'est plus agréable... Ça ne te dérangera pas de te lever tôt ? Je pourrais te réveiller, si tu veux...

Ambre parut heureuse que Rubis ait réagit comme ça, et Rubis, elle, était vraiment heureuse que ce ne soit pas une blague. Si ça la dérangeait de se lever tôt ? Elle aurait même pu faire une nuit blanche pour avoir l'occasion de voler au moins une fois, et chez elle, le sommeil était d’une importance capitale ! Désormais, Ambre souriait et Rubis lui rendit son sourire, un vrai sourire, ce qui était rare de sa part. Elle n'avait pas beaucoup l'occasion de sourire, à part avec ses amis, et en ce moment, elle était un peu en manque d'amis... A part Hisae et quelques autres personnes, presque tout le monde avait quitté l'internat. Beaucoup trop de monde, c'était vraiment dommage. Mais bon, elle devait déjà s'estimer heureuse que sa meilleure amie soit restée, mais c'était plutôt logique, puisque Hisae aussi se sentait bien à l'internat et n'avait aucune raison de partir. Et surtout, aucun endroit où aller... Rubis, pourtant, en avait un, mais comment réagirait son père en la voyant, après plusieurs années d’absence ? Il croyait sans doute qu'elle était morte, et elle ne savait pas comment lui faire savoir le contraire. Elle ne savait pas comment communiquer avec lui. Il était la seule chose qui lui manquait, ici, sur cette île. Et sans s'en rendre compte, elle commençait à l'oublier peu à peu. Il était rare qu'elle pense à lui, et dans ces rares moments, elle s'en voulait terriblement à cause de ça...
Pour en revenir à Ambre et au sourire de Rubis, cette dernière se trouvait vraiment stupide pour avoir réagit de cette manière, au début. Désormais, elle n'arrivait pas à penser à elle sans se dire qu'à tous les coups, elles allaient devenir amies.

- Ne t'en fais pas, ça ne me dérange pas du tout, répondit-elle d'un ton joyeux, qu'elle n'avait pas l'habitude d'entendre. J’espère qu’on pourra vite le faire.

Rubis me rendit un sourire éclatant, et je fus alors persuadée que oui, le courant était passé. Sa réponse confirma ma pensée :

- Ne t'en fais pas, ça ne me dérange pas du tout, me dit-elle d'un ton enthousiaste. J'espère qu'on pourra vite le faire !
- J'espère aussi ! J'ai hâte ! riais-je.

Son ton était completement différent du début, elle était vraiment heureuse de ma proposition. Même son visage semblait différent maintenant qu'elle était contente, elle était beaucoup plus jolie comme ça... Elle me rappelait un peu Zack, mais legerement. Voir même pas du tout, à la reflexion, il était beaucoup plus renfrogné ! Ils n'avaient en commun que le visage, un peu carré au niveau de la machoire, et un éclat dans les yeux. Trois fois rien, quoi ! Je me demandai cependant quel était le nom de famille du brun (quand j'ai une idée dans la tête, même idiote, elle y reste !).
J'avais éteind mon portable, et ne lui enverrait donc pas de messages tout de suite. Et je ne pouvais pas demander à Rubis si elle avait un frère, c'était bien trop indiscret... Hmm... Que faire ?

- Tu ne sais pas pourquoi tu as du sang de neko ? demandais-je, en esperant ne pas être trop indiscrète. Et, heu... Ca te donne des pouvoirs ? Désolée de te demander ça, mais je n'ai pas eu l'occasion d'en parler avec des gens... C'est un sujet délicat, fis-je, comme pour m'excuser de lui demander ça.

Mais c'était vrai, et elle devait le savoir. Être un être particulier est étrange : je mourrai d'envie de me confier à quelqu'un, mais mes sentiments étaient trop intimes, trop complexes, pour que je puisse en parler completement. Si je devais me confier, ce serait peu à peu. Et cette conscience que j'avais de la difficulté à en parler me faisait poser des questions avec prudence : et si je touchais un sujet sensible ? Je n'avais pas envie que ma nouvelle amie se referme brusquement, parce que j'avais abordé un sujet douloureux ! Et là, avec mes questions, j'avais pris des risques.
Je regardai Rubis, avec attention et préoccupation. Si jamais son visage se fermait, j'étais prête à changer de sujet, avec un entousiasme forcé.

- J'espère aussi ! J'ai hâte !

Et voilà les premiers pas vers l'amitié. Ou plutôt les derniers pas, parce que, vu comme c'était parti, Rubis ne doutait pas qu'une grande amitié entre les deux filles était en vue, et pour très bientôt. Ambre avait l'air heureuse, Rubis avait l'air heureuse, tout allait bien. Peut-être même trop bien, puisque Ambre vint gâcher ce joyeux moment avec une question. Une question à propos du sang de Rubis. Cette dernière se renfrogna un peu, sans le vouloir. Elle aurait préféré ne pas parler de ça, mais elle n'avait plus le choix. Bien sûr, on a toujours le choix, mais dans une situation comme celle-ci, lequel est le plus judicieux, se taire ou parler ? Pour Rubis, c'était forcément parler, alors elle n'y échapperait pas. Le problème chez Rubis, c'était que justement, elle ne savait pas pourquoi elle avait du sang de neko. Il lui venait sans doute de ses parents, mais puisqu'elle ne les connaissait pas, la question demeurait sans réponse. Ce qui était vraiment bizarre, c'était qu'elle n'avait aucun attribut des nekos, la queue et les oreilles de chat. Non, elle, elle avait juste du sang, rien d'autre. Comment était-ce possible ? Elle s'était posé la question des centaines et des centaines de fois, mais ni elle ni personne d'autre n'avait pu y répondre. Pas même les nekos. Quant à savoir si ça lui donnait des pouvoirs... elle n'avait rien remarqué. Elle n'était pas très agile, d'ailleurs, on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle était douée en sport, et elle la nuit, elle n'y voyait pas comme en plein jour. Elle supposait donc que non, elle n'avait pas de pouvoir. Ah... le plus simple aurait été d'en parler directement avec ses parents. Si seulement elle savait où ils étaient... si ils n'étaient pas déjà morts, bien sûr. Mais bon, elle ne pouvait pas critiquer le choix que ses parents avaient fait en l'abandonnant, ils avaient sûrement une très bonne raison de le faire. Pour la sauver de quelque chose, par exemple.
Elle n'en voulait pas à Ambre, bien sûr, de lui avoir posé cette question. Elle aussi aurait sûrement eu envie de faire la même chose si elle avait été à sa place.

- Ça ne me dérange pas, assura-t-elle, je ne connais pas mes parents alors je ne sais pas d'où il me vient, mais je ne pense pas qu'il me donne des pouvoirs. Est-ce que toi tu en as, vu que tu es métamorphe ?

La question de Rubis avait pour seul but de satisfaire sa curiosité, mais ça aussi, c'était une question plutôt indiscrète. Tout le monde n'a pas forcément envie de révéler ses pouvoirs à une fille qu'on vient juste de rencontrer...

Evidement, ma question la gêna. La troubla, la perturba, la mis mal à l'aise... C'était évident et logique : ma question était indiscrète. Elle ne pouvait pas lui rappeler des bons souvenirs ! Quelle naze j'avais été de lui demander ça... Mais elle n'osa pas se dérober, et ne me laissa pas le temps de rectifier le tir. Elle m'avoua donc :

- Ça ne me dérange pas, je ne connais pas mes parents alors je ne sais pas d'où il me vient, mais je ne pense pas qu'il me donne des pouvoirs. Est-ce que toi tu en as, vu que tu es métamorphe ?
- Oh... Et bien, j'espère que tu trouveras des réponses à tes questions, lui ai-je dit. Oui, je peux me transformer completement en oiseau, mais je ne contrôle pas trop ça, encore... Je peux faire apparaître des ailes dans mon dos, et parler avec les oiseaux.
Etrangement, ca ne me gênait pas de lui raconter ça. Elle inspirait confiance, et je n'avais pas vraiment de problème avec mes pouvoirs. En fait, le fait d'avoir des pouvoirs me donnait l'impression d'être un monstre, mais leur nature me rendait vraiment heureuse. A l'heure actuelle, en être privée serait une torture, un manque. Je m'y étais attachée : ma nature avait beau être monstrueuse, c'était une partie de moi que j'aimais beaucoup. Paradoxal, hm ? Et oui.
Mais ce paradoxe m'avait permis de répondre à sa question sans problèmes ni gêne, et ca avait degêler la conversation, estompé l'atmosphère tendue. Bien sûr, il n'y avait plus sur nos visages les sourires qu'avaient suscités ma proposition, mais dans une relation, on ne peut pas faire que sourire, non ? Pour moi, ce n'était pas du tout mauvais signe. Enfin, je voyais ça ainsi ! Je lui demandai donc, sur une lancée plus légère :

- Mais tu as ton rubis ? Il est magnifique, tu as de la chance de l'avoir. En plus, je trouve qu'il te va bien ! Enfin, vous êtes assortis... Enfin, heu... Tu vois ce que je veux dire ?

Je le trouvais en effet superbe, mais je ne voulais pas qu'elle s'inquiète de mon interêt pour lui... Je ne comptais ni lui prendre, ni faire quoi que ce soit qui puisse la gêner quant au rubis. Il était si précieux pour elle ! En fait, les pierres précieuses ne sont pas non plus ma tasse de thé, et je ne me serais jamais extasié sur un tel bijou, mais celui là faisait un magnifique pendentif pour ma camarade. Il semblait fait pour elle, exister pour elle, comme une partie d'elle. Il lui allait comme une évidence !
C'était un compliment sincère, et j'esperai qu'elle le prendrait bien.

Apparemment, parler de ses pouvoirs avec une inconnue ne dérangeait pas Ambre le moins du monde. Ou peut-être était-ce parce qu'elle lui faisait confiance, qu'elle la considérait un peu comme une amie. Juste un peu ? Après tout, on ne propose pas à une simple connaissance de voler avec elle. C'était une proposition digne d'une amie, enfin, de l'avis de Rubis, mais sa camarade ne pensait peut être pas de la même façon, et faisait cette proposition à toutes les personnes qu'elle rencontrait. Dans tous les cas, Rubis était heureuse d'avoir la possibilité de pouvoir voler, alors Ambre pouvait bien faire ce qu'elle voulait. Pour en revenir aux pouvoirs, la jeune métamorphe en possédait trois. Ou plutôt deux et demi, parce que la transformation en oiseau et l'apparition des ailes dans le dos, c'était un peu la même chose, non ? Elle devait donc avoir le pouvoir de se transformer, soit entièrement, soit juste en partie. Et elle pouvait aussi parler aux oiseaux, mais comment ? Ils comprenaient le langage humain et elle celui des oiseaux, ou alors elle savait parler oiseau, et un cui-cui de sa part signifiait beaucoup pour les oiseaux ? Rubis l'imagina, perchée dans un arbre, en train de siffler ou de chanter "cui-cui". Elle failli éclater de rire, et ce fut Ambre elle-même qui la sauva, en complimentant son rubis.
Ce rubis était la chose à laquelle elle tenait le plus, sans compter son père et Nonos, bien sûr, et les compliments d'Ambre lui allaient droit au cœur. Rubis aussi trouvait qu'il était magnifique, mais c'était normal, puisqu'il comptait tellement pour elle... Il était la seule chose qui la reliait encore à ses parents et peut être qu'un jour, elle tomberais justement sur son père ou sa mère, qui la reconnaitrait grâce à son collier. C'était beau de rêver... Oui, parce que ça ne pouvait pas être autre chose qu'un rêve, elle était bloquée sur l'île, et à moins qu'ils y habitent eux aussi, elle était certaine de n'avoir aucune chance de les croiser.
Ces pensées fut vite perturbées par la crise de fou rire qui s'empara de Rubis. La dernière phrase d'Ambre acheva la jeune fille qui n'était toujours pas remise des "cui-cui". Eh oui, "cui-cui" + "vous êtes assortis" = Rubis qui a l'air folle à rire comme ça, pour rien.

- Excuse-moi, fit-elle en essayant de se calmer, oui je vois ce que tu veux dire, et merci beaucoup, moi aussi je le trouve très beau... T'as vraiment de la chance d'avoir ces pouvoirs !

Malgré son rire, ce compliment était tout à fait sincère, Ambre n'avait pas de raison d'en douter.

Tout à coup, elle explosa de rire. Comme ça, d'un coup. J'étais sidérée : qu'avais-je dit de si drôle ? Je trouvais pourtant ma remarque normale... Je rougis violement, et, pendant une fraction de seconde, j'eu envie de disparaître et de lui jeter un regard assassin. Tout cela à la fois, bien sûr. Finalement, elle évita mon regard-qui-tue (et qui est, généralement, assez peu réussi), en me disant :

- Excuse-moi, oui je vois ce que tu veux dire, et merci beaucoup, moi aussi je le trouve très beau... T'as vraiment de la chance d'avoir ces pouvoirs !
- Ca nous fait deux points communs : tu aime ton rubis et moi aussi, et j'aime mes pouvoirs et toi aussi !

Oui, je sais, c'était une remarque débile. Mais je tenais vraiment à ce qu'elle sache que je trouvais son rubis splendide. J'avais rougis de son compliment : moi aussi, maintenant, je trouvais mes pouvoirs fantastiques. Mais je ne voulais pas avoir l'air trop vantarde... Je ne pensais pas qu'elle se méprendrait sur mon intention (je ne voulais pas la rabaisser, elle avait ses raisons d'être réservée à propos de ses pouvoirs), mais bon... Je rajoutai :

- En fait, il y a eu un moment où je haïssais mes pouvoirs... Je pensais que j'étais un peu comme... un monstre ? Oui, c'est ça, un monstre. Mais maintenant, ça va. Je veux dire : ils font partie de moi ! Tant pis si ça m'éloigne de pleins de gens et si je suis à part des gens "normaux", parce que ça veut quand même dire que je vais renconter pleins de gens "anormaux" comme moi ! C'est et dommage et bien, et j'espère que j'arriverai à faire en sorte que ça ne m'apporte plus que de bonnes choses !

Je m'interrompis... C'était completement culcul et débile ! Dire un truc aussi nul à voix haute... Arg ! Elle allait me prendre pour une dingue rêveuse !

- Je sais, c'est débile, marmonnais-je donc. Mais bon... heu...

- Ça nous fait deux points communs : tu aime ton rubis et moi aussi, et j'aime mes pouvoirs et toi aussi !

Sa crise de fou était totalement passée et Rubis put écouter Ambre sans avoir à essayer de ne pas rire. Comment Ambre avait-elle pu détester ses pouvoirs ? Ça devait être tellement merveilleux de pouvoir voler... Mais en y réfléchissant bien, Rubis avait détesté sa vie avant l'internat, elle se sentait tellement différente et monstrueuse, juste parce qu'elle avait du sang de chat dans le corps, alors pouvoir se transformer en oiseau et voler... Elle aussi aurait surement haï ses pouvoirs si elle les avaient possédés. Mais ici, à l'internat, elle n'aurait pas été gênée par le fait d'être métamorphe, au contraire, parce que finalement, elle était un peu trop normale ! Seul son collier était magique, mais il ne s'activait que lorsqu'elle était en danger, ce qui n'arrivait pas tous les jours, donc le reste du temps elle était juste une pauvre petite humaine au milieu de créatures surnaturelles, c'était désespérant ! Mais de toute façon, Rubis n'avait pas le choix, alors il valait mieux ne pas penser à ce genre de chose, pour ne pas avoir de regrets.
Rubis écouta Ambre sans rien dire, mais à la fin, en la voyant aussi gênée, elle se sentit obligée d'intervenir :

- Bien sûr que non, c'est pas débile ! Mais tu sais, ici, personne ne te trouveras anormale, même parmi les gens "normaux", et je suis sure que tu pourras rencontrer plein de personnes normales et anormale et que les deux pourront t'apporter de bonnes choses.

Rubis rougit, maintenant, c'était elle qui se sentait débile. Au moins, elles en étaient toutes les deux au même point ! Rubis aurait peut être pu en rire si elle ne s'était pas mise à bailler au même moment. Elle regarda l'heure et se rendit compte qu'il commençait à être vraiment tard. Avec la mauvaise nuit qu'elle avait passée la veille, qu'elle ne se soit pas déjà endormie depuis de nombreuses heures était un vrai miracle. Lorsqu'elle était partie se coucher, elle était sure qu'elle s'endormirait à l'instant où elle poserait sa tête sur l'oreiller, mais sa rencontre avec Ambre l'avait tenue éveillée, et finalement, elle n'en était pas déçue. Elle bailla une nouvelle fois et dut se rendre à l'évidence : il était temps de mettre fin à la conversation et de dormir, après tout, elle devait se lever tôt le lendemain matin (Mais surement pas aussi tôt qu'Ambre, qui se levait toujours avant elle.)

- Bon, je suis désolée, mais je crois que je vais me coucher. Alors... Bonne nuit !

Rubis avait passé toute la conversation assise sur son lit. Elle s'étira et se mit sous la couette, un pur bonheur ! Elle ferma la yeux en posant la tête sur l'oreiller et espéra s'être fait une nouvelle amie, qu'elle et Ambre se reverraient bientôt...

- Bien sûr que non, c'est pas débile ! Mais tu sais, ici, personne ne te trouveras anormale, même parmi les gens "normaux", et je suis sure que tu pourras rencontrer plein de personnes normales et anormale et que les deux pourront t'apporter de bonnes choses.


Elle avait protesté avec véhémence, et je me sentis brusquement mieux. Elle disait exactement ce que je me disais parfois, mais l'entendre dire par elle, par quelqu'un d'autre, était infiniment mieux que de se le répeter. Je lui en fut très reconnaissante, et je me promis de tout faire pour devenir l'amie d'une fille comme elle, l'amie de quelqu'un qui pensait (au moins un peu) comme moi !
La joie dans laquelle m'avait mise sa réponse n'avait pas du être visible, puisqu'elle rougit affreusement. Je dois avouer, en effet, qu'elle faisait visiblement partie de ces gens qui deviennent très vite cramoisis... Mais bon, c'était normale : je m'étais sentie débile de dire un truc aussi mièvre, et maintenant elle aussi. C'était un autre point commun ! Gênée, elle regarda ailleurs... Sa montre, elle regarda l'heure. J'en fis de même, et me dit que l'heure de me laver les dents et de partir me coucher était déjà nettement dépassée... Demain, le reveil serait dur. Pour Rubis aussi, sans doute, car elle ne put s'empêcher de bailler.

- Bon, je suis désolée, mais je crois que je vais me coucher. Alors... Bonne nuit !

Elle s'étira, se mit sous sa couette, et le sourire de béatitude qu'elle eut me donna illico envie d'en faire autant. Demain, je devais me lever tôt pour aller voler, avant qu'il ne fasse trop chaud. J'avais reperé un nid assez fragile, dans les bois, et je comptais le placer de façon plus sûre, pour éviter qu'il ne tombe. La météo avait annoncé du vent en fin de matinée, il fallait donc que je m'en occupe vers environs 9heures... Arg. Le reveil allait être très, très dur.

- Je vais me laver les dents, et j’éteins. A bientôt, vu que je me lève plus tôt que toi !

J'allumais ma lampe de chevet, éteignis la lumière principale pour ne pas trop gêner Rubis, et allais vite me laver les dents, et me mettre en pyjama. Méticuleuse, je pliais mes vêtements et préparais ceux que je mettrai demain : j'étais toujours tellement dans le pâté au reveil que j'avais pris, avec D., l'habitude de tout préparer le soir. Finalement, je me glissais sous les draps... Hm, se mettre au lit quand on est fatigué... quel bonheur... Avant de m'endormir, et d'une voix ensommeillée, j'ai dit un truc qui me trottait dans la tête depuis un moment :

- Tu sais, tu ressemble beaucoup à quelqu'un que je connais... Il est barman, maintenant... Il s'appelle... Zack.

J'avais hésité, un instant, à le dire "mon ami". Mais bon, on en était pas là, non ?
Je revais, cette nuit-là, du jour (pourvu qu'il soit proche !) où je pourrais dire de Rubis, de Zack, qu'ils sont mes amis. Et où ils en diraient autant. Et où ils en seraient heureux. Et où...
Zzzz.