Il faisait torride pour un après-midi d'automne. Le ciel bleu ne comptait aucun nuage, le soleil était haut et scintillant, il devait être aux alentours de treize heure. Un jeune loup gris, grand et très maigre, trottait dans un sentier sauvage. La forêt mélangeait conifères vert éclatant et feuillus variés. Plusieurs arbres laissaient des feuilles colorées s'emporter dans le vent, finissant par recouvrir aléatoirement le sol d'un tapis végétal. Rouge sang, brun écorce, jaune poire, ou encore, orange brûlé. Les teintes chaudes contrastaient avec le pelage fourni du canidé argenté. Regardant furtivement de tout bord tout côté, le quadrupède, nerveux, semblait être à la recherche de quelqu'un ou quelque chose. Ses oreilles noires pivotaient pour capter le moindre son, le moindre bruit. Après un moment de pistage et de rodage, il s'arrêta brusquement. Il braqua ses oreilles en avant et se tint immobile. Il partit soudainement à courir au travers des troncs et des buissons épineux, s'écorchant quelque peu lors de ses virages secs. Il freina à nouveau sa course folle et se terra sur le sol tapissé en poussant de légers couinements. Une femelle au pelage blond sortit la tête d'un terrier, bien dissimulé, sous de la mousse et de la terre. Elle semblait fortement fatiguée. Le mâle gris poussa un grognement rassurant, il rampa ensuite vers elle, l'air surexcité. La louve laissa sa tête retomber lourdement au sol, elle souffrait énormément. Elle serra les dents, elle avait des crampes de plus en plus aiguë et rapprochée. Son souffle rauque et court était accéléré, la forçant à se soumettre à son mal. La louve releva momentanément la tête et poussa un hurlement déchirant. Dans ce trou sombre et sec, deux petits bambins venaient de naître. Aussi bizarre que cela pouvait sembler, il s'agissait de deux rejetons humains et fort bruyants. Bien qu'elle eût finie sa mise bas, la femelle resta couchée au sol. Du sang poisseux continuait de s'échapper de son corps affaiblit, réduisant ses forces vitales de minute en minute. Le mâle gris fût pris de panique, alors que sa compagne se mourait. Il regarda, d'un oeil inquiet, les deux gamins grelottant et pleurant. Que faire? La louve blonde posa un dernier regard tendre sur celui qu'elle aimait. Son corps endolorit et raide se décontracta, elle venait de rendre son dernier souffle de vie. À présent, la louve semblait sereine, la douleur l'ayant quittée pour toujours. Le grand mâle versa une larme de mélancolie. Il se releva, pointa sa gueule de fauve vers le ciel dégagé et chanta une longue mélodie en souvenir de sa douce. Il prolongea son hurlement de désespoir, pendant plusieurs minutes, puis se tût lorsque ses larmes salées eurent cessées. Il ramassa tout doucement ses deux filles humaines. Il jeta un dernier regard à la défunte génitrice avant de partir prestement en direction du nord magnétique, vers la communauté riche le plus proche, la cité de Weeroxus.

Certes, peut-être semblait-il difficile pour un loup de tenir deux bébés nouveaux-nés, mais, détrompez-vous. En effet, ce canidé-là marchait debout, relevé sur ses pattes postérieures. Dans ses bras disproportionnels, il tenait délicatement les deux jumelles. L'obscurité s'annonçait, le ciel bleuté s'assombrissait, laissant des zébrures floues amener le crépuscule. Quelque chose de différent trottait dans l'air. L'odeur, l'odeur de la forêt -rosée, humus, fleurs- avait laissée place à des effluves humaines au relent peu enviable, sueur, excréments et autres. Réprimant un grognement de désarrois, de dégoût, vis-à-vis ce qu'il allait devoir faire, il entra dans le village. Par chance pour le loup, le couvre-feu était passé, fort peu de gens osaient s'aventurer dans les rues, durant la nuit. Il alla vers un château à la couleur obscure, s'assurant nerveusement que personne ne le voyait. Les deux petites filles étaient collées contre son pelage dense et chaud, elles dormaient d'un sommeil paisible. À pas feutré, il traversa la petite cité et se rendit au portail métallique, n'attardant que momentanément son regard sur les boutiques clauses. Il se positionna de profil et appuya, de son épaule, sur une petite pierre blanchie à la chaux. Un léger déclic se fit entendre, suivit d'un grincement strident lorsque la grille s'ouvrit. Le mâle canidé remonta l'étroite allée rocheuse et se rendit à la porte de chêne. À présent, il voyait que le château n'était pas d'une couleur grise sombre, en fait, il était rouge sanguine. Au final, seul la clôture de fer arborait une couleur ébène, une couleur de nuit. Il leva agilement un de ses membres postérieurs et gratta la porte de bois. Il reposa ensuite doucement sa patte griffue sur le sol inégal et attendit avec patience. Dans les minutes qui s'en suivirent, une dame richement vêtue vint l'accueillir avec un sourire sarcastique. Elle était évidemment une noble, elle portait une délicate robe bleu nuit en soie brodée finement. La dame exhibait aussi de longs gants en velours noir, une bague en jade sertie d'un rubis gravé, des boucles d'oreilles argentées et un pendentif en cristal indigo. Plus étrangement, elle avait des marques celtiques, couleur de sang, peintes sur le visage. En voyant l'étrange loup avec deux bébés dans les bras, la femme perdit son sourire. Elle fit entrer l'énergumène, vérifia qu'il n'avait pas été suivi, et le conduit dans le salon. C'était un salon immense, avec un foyer en pierre étincelante, bordé d'une grille en fer blanc. Le tapis rouge vif était garni de motifs brodés en dorés, faisant contraste avec les fauteuils bleu marine. Pendant que le canin détaillait la pièce, la femme resta silencieuse. Enfin, lorsque la bête cessa son inspection et la regarda, plongeant son regard marron dans celui lilas de son hôte. Celle-ci soupira et dit:

- Lycanthrope, quel est ton nom?

Celui-ci s'agita un peu, l'air mal à l'aise, comme si la réponse était évidente, mais qu'il n'oserait le faire remarquer. Malgré tout, il se résigna à lui répondre d'un ton tout naturel:

- Lathizol ShadowBlood. Et vous, madame?

- Tarisoraa SinkBlood. Au fait, d'où viennent ces petites choses que tu tiens?

- Ce sont les vôtres, Tarisoraa. Les enfants qui, conformément à votre demande, furent issus de vos gènes vampires et de mes gènes lycanthropes. Au fait, ma femme, Opalazii SharpFang, la porteuse, n'a pas survécue.

- Qu'importe, Lathiz, sa ligné ne figure pas parmi les registres de sang noble de notre ancienne Transylvanie.

- Certes, si vous le voyez ainsi, très chère.

Le lycan regarda la vampire d'un air légèrement dédaigneux et vexé, sa femme était morte pour l'aider et elle semblait s'en ficher. Il se releva, laissant de son poil argenté sur le beau fauteuil bleu. Il vint vers Taris et lui donna les deux soeurs jumelles dans ses bras. Il se racla la gorge et déclara d'un ton froid:

- Que sa vous plaise ou non, ce sont vos filles. Vous allez devoir vous occuper d'elle ainsi que de leur éducation.

Il se remit à quatre patte, lança un dernier regard noir à son hôte féminine et partit, sans se retourner, vers l'escalier de marbre. Il grimpa les marches en de bonnes enjambées précises, puis, rendu au deuxième étage, il obliqua dans le couloir de gauche. Il entra par la suite dans la troisième pièce, du côté ouest du mur. C'était une chambre fort vaste et merveilleusement décorée. Un grand lit double à baldaquin se trouvait dans un coin de la pièce, à quelques mètres d'une grande fenêtre mobile qui donnait sur une véranda en roche couleur sable. Le meuble était doté d'un couvre-lit écarlate en velours épais, embellit de trois oreillers pourpres. Les murs étaient peints en couleur de blé, avec une bordure crème bien décorée. Par endroit, il y avait de la tapisserie représentant des scènes de guerre, de chasse au renard ou de simples paysages. Lathizol quitta sa forme de loup-garou pour celle humaine. Il ne prit pas la peine d'enfiler un des somptueux pyjamas, il passa directement sous les draps de satin vert clair. La nuit était passée, le jour était à présent levé. Contrairement à la population weeroxusienne, la vampire et le lycan venaient à peine de rejoindre les bras de Morphée. Les deux filles, que le garou avait apporté durant la soirée précédente, dormaient profondément dans une cage capitonnée. Après la courte discussion faites pendant la nuit et le départ du lycanthrope, Tarisoraa avait choisie le nom des sang-mêlées. Najawarie Yozora SinkBlood et Canisalaa Kokyuu SinkBlood. La vampire espérait fortement que les hybrides seraient à la hauteur de la tâche. Il fallait que les bâtardes soient puissantes et dignes de leur parent; la chef des vampires et le maître des loups-garou.

Les jours passèrent, puis les semaines, les mois et les années. Les deux hybrides avaient à présent sept ans. Déjà sept années d'écoulées sans aucuns événements majeurs. Sept ans à rester anonyme, coincées dans une cage le jour, coincées dans le château le soir. Mais les parents avaient leurs raisons, paraissait-il. Bien que embêtées, elles avaient toujours respectées cette vie animale. Mais un beau jour, celui de l'anniversaire de leurs sept ans, le 31 octobre 1182, la vampire vint les réveillées en plein jour. Avec elle, il y avait le gardien, Drakkalko HardClaw. Tarisoraa soupira, comme si une idée la répugnait, mais elle finit par cracher de ton sec;

- Il est temps de vous initiés. Allez dehors avec Drakkalko, il vous enseignera diverses choses. Mais dès demain, vous irez à l'école publique de la cité.

Najawarie et Canisalaa restèrent surprises. Leur mère ne leur avait jamais adressées la parole auparavant, encore moins pour les envoyées à l'extérieur de la demeure familiale. Toutes ravies, elles talonnèrent le gardien, de grands sourires sur leurs visages. Rendues dans le cadre de la porte d'entrée, elles hésitèrent momentanément. Après tout, la lumière du soleil, les rayons ultraviolets, plus précisément, restait fatale pour les hybrides de moins de six ans. Finalement, les jumelles entreprirent de sortir. Dès le début, Canisalaa se montra fort à l'aise sous l'astre de jour, comme si c'était fort banal. Mais, Najawarie, quant à elle, fuît directement sous l'ombre fraiche d'un arbre, en tremblant. Monsieur HardClaw partit la rejoindre en toute hâte, Naja était couchée face contre le tronc, pelotonnée sur elle-même. Sa peau blême, visiblement, avait un peu brûlée. Canisalaa sentit l'odeur de la chair roussie, elle vint à toute allure voir sa soeur, très inquiète. Détalant la petite butte verdoyante, manquant s'entraver dans des pierres, elle finit par arriver à l'arbre où Naja se trouvait. Celle-ci gémissait, de façon inhumaine, toujours blottie contre le grand végétal. Canis et Drakk étaient accroupies à ses côtés, un peu perturbé par l'étrange situation. Alors que le gardien s'apprêtait à lui toucher l'épaule pour lui parler gentiment, le corps nu de Najawarie fût progressivement recouvert d'un duvet noir. HardClaw se releva précipitamment et dit à Canisalaa d'aller chercher Latisoor qui dans le donjon. Sans mot dire, Canis partie en courant, affolée, vers la noble résidence. Najawarie se décontracta, elle se releva les larmes aux yeux. Sa douce peau blanche avait laissée place à un doux pelage entièrement noir de jaie. Son corps entier continuait de se métamorphoser progressivement et douloureusement. Son pelage devenait plus dense et fourni, son corps devenait plus trapu, plus musclé. Par après, sa taille de fillette se décupla énormément, atteignant une taille avoisinant les deux mètres. De plus, ses ongles fins s'épaissirent et crûrent, formant des griffes affûtées. Ses pieds devinrent difformes, ajoutant une nouvelle articulation à ses jambes. La jolie et innocente petite fille de sept ans avait laissée place à un fauve furibond. Naja ouvrit sa gueule, celle-ci dotée de dents carnassières et puissantes, puis poussa un grognement colérique et rauque. Drakkalko réagit vite, il se transforma à son tour sous sa forme lycane, espérant intimider la jeune, espérant éviter des problèmes. À cette heure-ci, la petite cité était grouillante d'innocents habitants. Contrairement à ses attentes, la noiraude se mit à quatre pattes, prenant un air étrange, et fila précipitamment vers le portail qu'elle bondit sans la moindre difficulté. La lycanthrope ne l'avait même pas attaqué. Elle semblait énormément souffrir sous le chaud soleil, mais sa puissance animale la gardait, heureusement, d'avoir plus de brûlures. HardClaw se lança à la poursuite de celle qu'il devait protéger. Par malheur, il fallait avouer que deux canidés géants et disproportionnés ne passaient aucunement inaperçus, surtout lorsqu'ils se poursuivent en bousculant les citadins sur leur passage éclair. Plusieurs fermiers ramassèrent des fourches de fer, d'autres moins modestes, des épées en argent. Le groupe suivit les deux lycans. Najawarie tourna dans un cul-de-sac et jura entre ses crocs. La ruelle nauséabonde, mal éclairée à cause des toits la surplombant, était obstruée par une palissade récemment construite. Alors que la jeune femelle s'apprêtait à faire demi-tour, une masse brune et poilue se jeta férocement sur elle, lui écorchant la nuque avec ses griffes, la mordant sauvagement à une oreille. Najawarie tenta de riposter, mais pour cela, elle dût laisser un large lambeau de chair s'arracher de son oreille. Elle grogna alors que ses blessures faisaient ruisseler délicatement son sang au travers de son pelage obscur. Des voix se firent entendre, les hommes armés arrivaient à l'assaut des maudits. Le brun et la noire luttèrent avec une violence peu commune, s'écorchant contre la pierre, se mordant farouchement, se griffant furieusement. Au moment où Drakkalko allait prendre le dessus sur Naja, il se fit empaler par un jeune chevalier qui menait le groupe d'attaquants. L'argent de la lame empêchait la blessure de se refermer, Drakk poussa un gémissement rageur. Naja arrêta de se débattre, elle fixa les humains d'un air mauvais. Mine de rien, son but n'a jamais été de causer la perte du gardien de la famille. La femelle bondit sur les normaux, se faisant entaillée à plusieurs reprises par les plus audacieux. Mais, certains plus poltrons prirent la fuite en gesticulant. Un jeune écuyer crasseux s'éloigna à pas de couse, agitant les bras au-dessus de sa tête en criant;

- Attention, y'a des maudits dans les rues!

La lycane courût à la suite des lâches, elle les assaillit l'un après l'autre, dans l'ordre où elle parvenait à les rattraper. La furieuse talonna le stupide écuyer, qui continuait de fuir en hurlant à tue-tête, et lui enfonça les griffes dans son dos. Les tissus sales qui servaient de vêtements au jeune homme ne posèrent aucune résistance, pas plus que la chair de celui-ci qui céda rapidement, telle de la gélatine. Naja sentit, sous ses griffes lacérantes, l'épine dorsale fendue de sa victime. La vue de tout ce sang, l'odeur et le contact l'excita, elle ressortit brutalement ses griffes acérées du dos du jeune garçon agonisant. Elle lécha passionnément sa patte couverte de sang frais, avec un sourire malsain aux babines. L'écuyer retomba dans une flaque de son propre sang, mélangé à de la boue, il trembla et geignit un moment avant de rendre son dernier souffle de vie. Najawarie se releva sur ses pattes arrières et grogna pour éloigner les humains qui tentaient de l'encercler. Elle se mit à nouveau sur ses quatre pattes, s'inclina légèrement vers l'avant et commença à dévorer le cadavre. Elle arrachait des lambeaux de chair entre ses crocs affûtés, laissant des giclées sanguines sur sa gueule de tueuse.

Après avoir ingurgité une bonne quantité de chair froide, ainsi que rongé la moelle de certains os dorsaux, elle termina son repas improvisé. Alors qu'elle nettoyait son pelage ensanglanté, sur la place du marché, elle entendit le cor de brume qui annonçait la chasse aux créatures de la nuit. Najawarie détala dans les chemins crottés et puants, laissant d'innombrables marques de pattes ainsi que des gicles sanglantes sur son passage. Elle repartit vers l'endroit où elle avait laissée Drakkalko. À son arrivée, elle trouva le corps sans vie, transpercé par de nombreux outils tranchants aux lames d'argent ou de fer. La demi-lycane les retira hâtivement puis hissa le cadavre du gardien sur son dos, s'inclinant légèrement sous le poids de celui-ci. Alors qu'elle reprenait direction de son habitation, un groupe de gardes humains, armés pour la croisade aux sangs impurs, la virent et la prirent en chasse. Naja tenta tant bien que mal de s'éviter leurs attaques, faisant des détours épuisants, sans relâche, en vu de les semés. Par la suite, lorsqu'elle eût prit suffisamment de distance de ce groupe indésirable, elle détala pour retourner vers le château familial. Elle écrasa la pierre blanche, attendit nerveusement que le portail s'écarte de son passage, puis partit à toute enjambées vers la porte. Naja défonça celle-ci avec le côté de son épaule, laissant une étoile sanguinolente sur la paroi de bois lorsque des morceaux de celles-ci s'incrustèrent dans sa peau. Chance à elle, elle était sous l'adrénaline, elle ne ressentait pas ses blessures, aussi nombreuses ou graves étaient-elles. Sept ans, comment une fillette de sept ans pouvait-elle recueillir autant de marques? La dite fillette déposa le corps raidit de Drakkalko sur le tapis du living-room avant de pousser un hurlement alarmant. Sa mère et sa soeur arrivèrent en toute vitesse en bas de l'escalier de marbre, figées de stupeur. Najawarie alla dans leur direction, mais la perte de sang la fit vaciller. Elle s'arrêta, à quatre pattes pour conserver son équilibre, le regard douloureux scrutant sur sa mère. La semi-lycane s'écroula au sol, la vision troublée. Tout devenait noir, si noir. Elle vit sa soeur pleurée, ou plutôt, l'entendit. Elle entendait à peine les murmures inaudibles de sa mère, les pleurs redoublés de sa très chère soeur. Tout devint comme la pénombre, Naja perdit conscience.

À son réveil, elle était dans une petite pièce clause. Des aiguilles en cuivre étaient plantées un peu partout sur elle, reliées à des fils conduisant à des machines étranges. L'hybride était encore sous forme lycanthrope. Elle sentait son sang poisseux et encroûté. Naja grogna, elle avait de nombreux points de suture qui lui tiraillait le poil de façon désagréable. Se calmant pour retrouver ses esprits, elle scruta attentivement autour d'elle. Elle était étendue sur une genre de civière jaunie, immobilisée aux poignets et aux chevilles par des plaques métalliques. Une machine qui lui était reliée lui injectait une substance verdâtre, couleur crapaud. L'écran de celle-ci affichait en rouge clignotant "Transformation stabilisée en mode Bêta". Un chariot roulant était rangé à quelques mètres de son lit, les trois tablettes de celui-ci comportaient divers objets. Il y avait des flacons divers, dont un erlenmeyer emplit de sang. Des seringues aux aiguilles de cuivre, des ouates ensanglantées, des aiguilles et du fil médical. Naja tenta de se libérer, elle ne voulait pas rester là. Malheureusement, elle ne pouvait s'y déprendre. Celle-ci poussa un cri de détresse, à son âge, normal, qui aurait apprécié être ainsi? À sa convenance, son père arriva. Il la détacha, mais ne débrancha pas les machines qui la connectait. Il la fit asseoir sur sa civière et lui dit;

- Najawarie Yozora, garde ton calme. Si tu reprends ta fore humaine à l'instant, tu risque de périr.

- Tss, c'est absurde! Père, pourquoi?

- Tes blessures sont importantes, nombreuses aussi. D'ailleurs, elles sont majoritairement causées au fer et à l'argent.

- Que...quoi!? Et alors!

La femelle bouscula son père et se déconnecta brusquement de tous ses capteurs, laissant des filaments rougeâtres dégoutter sur sa fourrure.

- Sache que je ne veux plus vivre ainsi, tel un fardeau. Je ne suis plus une gamine!

Elle partit dans le couloir et déboucha dans le petit amphithéâtre de l'aile ouest. Naja n'était pas très fréquemment allée dans ce recoin perdu de la demeure, elle dût se débrouiller dans un étonnant labyrinthe de corridor pour enfin trouver l'escalier. Naja le monta furtivement, un peu sonnée par la médication qui se dissipait dans son sang, puis se rendit tout en silence en direction de la chambre de sa soeur, située dans l'aile sud.

Canisalaa regarda Najawarie avec une expression de surprise non-feinte. À croire que celle-ci ne s'attendait pas à la revoir de si tôt. La lycane noire, le coeur empli de soif de vengeance, susurra à l'oreille de sa cadette, d'une voix sauvage;

- Canis, je vais tuer ces sales traîtres! Je te le jure sur ma propre vie! Me suivras-tu, petite soeur?

La fillette de sept ans baissa les yeux vers le tapis vert émeraude et réfléchi un moment. Incertaine, elle dit d'une voix enfantine;

- Qui donc?

Najawarie poussa un soupir d'exaspération. Elle secoua la tête de gauche à droite, irritée, puis reprit, une fois calmée;

- Père et mère. Ces sales bourreaux!

- Eh, mais... Eh...

- Alors?

- O-oui. Bien sûr Naja.
- Tu ne me sembles pas très enthousiaste, soeurette. T'as une raison pour ça!?

- C'est que... Y'aura des conséquences non?

- Triple buse! T'as vraiment rien dans l'crâne!

- …

- Bon, de toute façon, rejoins-moi d'main matin dans ma chambre. Je verrai ce que tu sais faire.

- Je comprends pas... Faire quoi? Dans quel domaine?

- Pff. T'es exaspérante tu sais? Je parle de la magie!

- On peut vraiment en faire? C'est vrai?

- Ouais. Maintenant, ta gueule et va t'coucher.

- …

Sur ce, la noiraude quitta la chambre de sa soeur pour finalement aller dans la sienne. Elle aurait bien voulue reprendre forme humaine pour dormir, mais elle ne contrôlait pas vraiment ses transformations. La demi-lycane se coucha sur le sol de céramique, à côté de son lit richement drapé. Aucune honte à l'avouer, elle n'avait jamais couchée dans un lit. Elle n'avait jamais osée essayer d'ailleurs. Après tout, Najawarie avait vécue sept ans dans une cage, et la différence marquée de ce confort lui déplaisait, faute d'y avoir habitude.

Après un moment d'insomnie, à penser à tout et à rien, elle finit par trouver le chemin de Morphée. Ce fût une nuit mouvementée, elle ne cessait de geindre et de grommeler des trucs incompréhensibles dans son sommeil. Lorsque la lumière bienveillante du jour chassa les ténèbres de la nuit, Najawarie était déjà réveillée. Cependant, elle restait couchée sur le sol froid, nue, sous forme humaine qu'elle avait sans doute récupérée pendant qu'elle dormait.

Près d'une heure s'en suivie. Canisalaa arriva en douce dans la pièce puis vint s'assoir aux côtés de sa soeur. Naja se releva, s'étira longuement les bras et les jambes à la façon des chats s'éveillant, se désengourdissant des vestiges de somnolence. Par après, elle dit d'une voix froide et arrogante;

- As-tu connaissance de tes compétences magiques, au moins?

- Eh, c'est que... Je ne savais pas que l'on pouvait... Enfin...

- C'est bon, c'est bon. J'ai comprise. Tu ne sais rien faire.

- Peut-être pas... J'ai juste jamais essayée...

- Peu importe, je vais te montrer de mes capacités.

Canisalaa posa son regard aquamarine sur sa soeur. Elle trépigna impatiemment et lui dit d'une voix joyeuse, presque enfantine;

- C'est vrai? Montre-moi, montre-moi!!

Najawarie esquissa un sourire carnassier et prononça à voix basse, presque dans un murmure lugubre;

- Schwester von die erde und das dunkelheit, töte leiche von das ab-grund zurückkommen zu das licht.

Naja poussa un léger soupir, jeta un coup d'oeil à sa cadette et ajouta;

- Katze.

- Naja, y'a rien du tout... C'est censé être quoi?

- Ferme-là, idiote!

- B-bien.
Najawarie secoua légèrement la tête de gauche à droite, avec exaspération, avant d'enchaîner;

- Sie, mein sklavin, auftauchen in dein aktuell form.

Naja posa ensuite ses mains sur le sol et releva tranquillement ses mains au fur et à mesure qu'une petite fumée noire s'élevait. Lorsque ses mains furent rendues à peu près à la hauteur de ses yeux, l'espèce de petit brouillard se contracta et prit une forme bestiale. Il s'agissait d'une horrible chose ressemblant à un chat... en état de décomposition avancée. Sa peau était rongée par les vers, ses os visibles en partie sous sa silhouette maigre couverte de lambeaux séchés, ce qui devait être de la chair autrefois. D'un point de vue, disons... normal, le chat ressuscité pourrait être sorti tout droit d'un cauchemar ou d'un film d'horreur. En effet, il n'avait rien d'essentiellement vivant.

Naja porta son regard vairon sur Canisalaa et lui dit simplement, comme si c'était plutôt banal;

- Pas encore au point. Je ne peux pas invoquer de grosses bêtes, mais sa ne saurait tarder.

Canisalaa déglutit. Elle resta figée, entre la peur et la surprise. Elle s'attendait plutôt à de la magie artificielle et jolie, pas comme celle véritable et ténébreuse que sa soeur venait de lui démontrer. Pour sûr, jouer avec la mort représentait une énorme capacité, une force et une intelligence particulière, mais à quel prix?

Le moment de stupeur passé, Canisalaa se releva doucement, puis, d'un signe de tête poli, en guise de salut, elle partit de la pièce en trombe.

Najawarie haussa les épaules, à quoi bon se soucier de cette petite nature? Naja continua la pratique, bien que ses ressuscités étaient de format négligeable. Petits rongeurs ou volatiles, ne dépassant pas la taille d'un chat domestique adulte.

L'hybride pratiqua pendant nombre d'heures. Après un certain temps, elle cessa ses essais et décida de quitter sa chambre. Avant de quitter l'intimité de sa pièce personnelle, Najawarie avait pris soin de s'habiller, contrairement à ses habitudes. Sa robe était plutôt courte, aux genoux, dans le genre gothique lolita, noire et légèrement bordée de dentelles blanches.

À l'heure du dîner, elle se rendit au rez-de-chaussé. Elle descendit sans hâte le long escalier de marbre qui menait au hall d'entré. Rendue au centre de l'escalier, la lycane-vampire se figea. Un alléchant fumet de boeuf grillé emplissait la pièce. Bien que l'odeur soit délicate et moindre, Naja, même sous forme humaine, avait un flair assez irréprochable.

Après un moment d'hésitation, elle entreprit de descendre le reste des marches. Naja avait un air calme, pratiquement innocent et infantile, lorsqu'elle arriva dans la salle à manger. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, avec un sourire angélique et dit d'un ton enthousiaste;

- Salut tout l'monde! Qu'est-ce qu'on mange?

Canisalaa Kokyuu posa son regard sur sa soeur. Elle se demandait comment elle pouvait paraître si sereine et gamine. Après tout, n'était-elle pas une délinquante, une tueuse passionnée?!

Tarisoraa, la mère des deux hybrides, posa son regard froid sur sa fille aîné et répondit d'une voix sans vie;

- Du boeuf grillé. Avec de la sauce rouge.

- Rouge?

- Du sang.

- Ah.

Naja ne dit rien de plus. Le sang... Le sang était une chose qui lui faisait perdre la raison. À l'odeur et la vue, elle devenait une furieuse bestiole. Mais... elle en avait besoin, mine de rien. Question de survie. Oui, c'est ça, tout n'était que folie pour la survie en ce monde.

Tari regarda sa fille qui restait bouche-bée, dans une légère expression de surprise. Ou peut-être, de frustration... Quoi qu'il en soit, Tarisoraa pensait que Najawarie serait ravie. D'ailleurs, pourquoi avait-elle l'air si terrifiée? Elle, elle devrait raffoler de ce menu spécial. Non?

- Allez, prend place, ma fille. C'est bientôt prêt.

Najawarie secoua la tête pour se réveiller de ses songes et prit place au côté de sa soeur avec une moue livide.

L'esclave mort-vivant de la famille, Gyokoo WildHeart, sortit alors de la cuisine avec un plateau en bois. Sur celui-ci, il y avait deux assiettes en céramique, remplies d'un rôti de boeuf arrosé d'une sauce spéciale. Le servant fit quelques pas puis vint déposer une assiette devant Tarisoraa, et l'autre, devant Latisoor. Il repartit dans la cuisine et revint un court laps de temps plus tard avec deux autres portions plus petites. Gyo plaça les couverts devant chacune des jeunes filles, esquissant un sourire bienveillant à leur intention avant d'entreprendre de servir le thé.

Naja détourna le regard de son plat. Rien que l'odeur suffisait pour qu'elle sente la bête en elle s'éveiller. Elle crispa les poings sur ses genoux, profitant de le l'inattention des autres pour dévisager le serviteur cadavérique. Elle ne l'avait jamais vu, en fait, jamais d'aussi près, à vrai dire. C'était un homme à l'air relativement vieux (manifestement), bien que ses cheveux roux terreux, cascadant sur ses épaules, le rajeunissait. Il avait une paire de lunettes ovales, toute simple, dont la bordure blanche rehaussait la couleur anormalement jaune citron de ses yeux. Dans son regard, on voyait bien que son âge et sa condition ne changeait rien à sa force et son intelligence. Naja n'en doutait pas.

Le vieil homme se retourna vers la gothique qui affichait un air absent. Intrigué, il dit;

- Vous désirez quelque chose, damoiselle?

Yozora secoua la tête et démontra un sourire gêné.

WildHeart n'insista pas, il partit simplement, se retirant dans ses quartiers situés à côté de la cuisine.

Entre deux bouchées, la mère de Naja lança un regard haineux à sa fille avant de dire impérativement;
- Mange tout ou tu recevra une vingtaine de coup de fouet.

Najawarie lui souffla obstinément;

- Ce que j'aime, c'est la chasse!

- Insolente!

- Ah oui, moi, je suis insolente?

- Ta gueule!

- Mais bien sûr. Un chausson avec ça?

- Cesse cela, petite idiote! Tu mangeras ce que je te donnerai, tu feras ce que je te dirai et tu dormiras quand je t'y autoriserai. Tu es sous mes ordres aussi longtemps que tu vivras, aussi longtemps que JE vivrai.

- Ouah, la modestie t'étouffe, mère!

- Cesse tes sarcasmes avec moi ou tu le regretteras!

- J'en doute pas...

Najawarie se releva et d'un revers de main, envoya valser tout ses couverts contre le mur. Elle leva le poing, toujours crispé, comme pour répliquer, mais s'abstint.

Autres détails de sa vie;
- Fût internée à l'asile car dénoncé par sa soeur
- S'évada de l'asile et tua ses parents ainsi que sa soeur
- Fût envoyée dans un orphelinat pour délinquant
- Jamais adoptée, mais elle était "louée" à des scientifiques qui l'utilisait comme cobaye et la torturait
- Devint pratiquement aveugle et optint des cicatrices lors de sa vie de cobaye
- Les scientifiques lui fabriquèrent un collier qui canalisait ses forces et restreignait ses capacités
- Apprit à maîtriser ses pouvoirs et s'échappa en tuant les scientifiques
- Ressuscita sa soeur et en fit son esclave
- Partit très loin en forêt et devint meneuse d'une petite meute de loup
- Les chasseurs tuèrent ses subordonnés et elle partit
- Elle vécut en exil pendant longtemps et renia, oublia, son humanité et sa vie passée

Détails de sa vie sur le forum;
- Elle arriva à l'Internat Tsukiyo car certains haut-placés la jugeait trop dangeureuse parmi les hommes